CANTI (Vie remarquable des arbres et vie quotidienne)

Le titre « Canti » (Chants) est emprunté à un recueil de poèmes de Giacomo Leopardi* chez qui la mélancolie ne laissait aucune place aux illusions : la Nature est totalement indifférente à l’agitation humaine (bien qu’aujourd’hui on mesure avec effroi combien elle en subit les conséquences) et le ciel est vide.
Peut-être, actuellement, vivons-nous une inversion de regard ? Nous remplissons le ciel de divinités technologiques et nous avons longtemps été indifférents à la Nature.

C’est ce premier sujet qui est exploré à travers les photographies d’arbres et les mises en scène de personnages qui ne semblent se préoccuper que d’eux-mêmes.

Envisagés comme des statues vivantes et des témoins involontaires des actions humaines, ces arbres sont photographiés de façon systématique et frontale, dans une idée d’égalité de traitement (leur place dans le cadre quelle que soit leur taille est identique) afin de ne leur prêter aucun sentiment ou expressivité typiquement inventée.
Pour donner une première échelle physique à leur grandeur, des scènes ont été reconstituées avec des personnages dans des situations banales de la vie quotidienne.
C’est l’aspect documentaire de cette série et l’objet du sous-titre, qui souligne également la distance entre nos actions et l’apparente immobilité des arbres.

D’autre part on peut également suivre les tribulations d’un personnage récurrent, Elvis C.A., présent directement ou indirectement dans toutes les photographies, tribulations qui commencent vraiment dès la deuxième image, sous un cerisier sauvage aux fleurs gelées (photographie inspirée du dernier plan du film « Farrebique ou Les Quatre Saisons »**).
Ainsi une deuxième échelle, de temps cette fois, met en parallèle la brièveté de notre apparition et le temps de l’existence des arbres.

Pour finir et pour déroger à la règle fixée de ne les envisager que vivants et autonomes, je me suis plu à imaginer que chaque arbre fait partie du choeur de la tragédie humaine, choeur dont les chants (inaudibles) et les danses (dans le vent) nous parlent du monde tel qu’il va.



* «Canti», Giacomo Leopardi, Collection Poésie/Gallimard, 1982
** «Farrebique ou Les Quatre Saisons» réalisé par Georges Rouquier, 1946

(Pour une lecture plus complète, suivent la localisation de chaque arbre ainsi qu'un ou plusieurs détails recadrés dans les vues générales.)